I/ Intervention en introduction de la session du Conseil départemental du Loiret des 19 et 20 octobre 2023
Monsieur le président, mes chers collègues,
Le Loiret s’est doté d’une société d’économie mixte Loiret énergie visant à développer les énergies renouvelables sur le territoire et à rattraper le retard pris par la France dans ce domaine. Cet objectif est tout à fait louable et d’autres départements comme la Vendée, largement en avance, nous montrent le chemin à suivre. Néanmoins, lorsque l’on passe de l’idée générale à l’implantation concrète d’installations énergétiques, de nombreuses oppositions s’expriment.
Le Département, lorsqu’il est appelé à exprimer un avis, choisit de respecter les choix de la majorité des communes ou communautés de communes d’implantation. Le Conseil départemental s’est ainsi opposé à tous les récents projets d’installation d’éoliennes.
Cette décision apparaît au premier abord justifiée, mais la réalité des oppositions est en général complexe. En effet, dans la plupart des projets, des avis favorables s’expriment aussi, même de manière minoritaire. D’autre part, les opposants sont en général plus actifs et plus véhéments que l’ensemble de la population concernée et finissent par bénéficier d’une visibilité plus importante que la fraction des citoyens qu’ils représentent. Pour finir, la notion de « nuisance » est très largement subjective, et susceptible de varier dans le temps.
Les Vendéens, au même titre que les pays nordiques, ont réussi à donner aux installations énergétiques une image positive, associée au climat, mais aussi à la vitalité économique ou encore à la réindustrialisation.
Pour que cette modification des perceptions opère, l’appui des collectivités comme la nôtre est essentiel. Plutôt que de proposer un moratoire sur les éoliennes, comme vous l’avez formulé Monsieur le président, devant cette assemblée, un appui de principe, à largement diffuser mais aussi à exprimer dans les instances de décision, serait à notre avis beaucoup plus approprié. Ceci est d’autant plus justifié que la plupart des projets actuels sont si étroitement examinés et contrôlés qu’ils intègrent des mesures de redistribution de richesse et de protection de l’environnement très efficaces.
L’autre sujet que nous voulons aborder concerne la prévention. Tout d’abord, nous nous réjouissons que la question de la prévention spécialisée dans l’agglomération de Montargis puisse à nouveau avancer, comme le réclamaient depuis plusieurs années les élus de l’opposition de la ville. Si ce n’est pas la solution miracle, gageons cependant que la présence d’éducateurs de rue contribuera efficacement à résoudre les situations individuelles problématiques de certains jeunes et plus généralement participera à l’apaisement des tensions dans les quartiers.
Mais au-delà de ce progrès, quelle est la stratégie globale du Département en matière de prévention spécialisée ? Quels sont non seulement les moyens mis en œuvre, mais aussi les objectifs que se fixe notre collectivité ?
Ce sujet de la prévention spécialisée n’est qu’une face d’un sujet qui en possède de multiples, celle de la prévention, couvrant tous les âges et tous les secteurs de la vie.
La visibilité et la cohérence de la politique menée par le Conseil départemental au titre de la prévention n’est pas suffisante et consiste principalement en une série d’actions en silo, sans articulation claire avec les partenaires (ARS, EPCI, Région) et les acteurs de terrain, sans mise en perspective globale, sans indicateurs permettant d’en faire le suivi et d’en établir les succès et les insuffisances.
Sur de nombreux autres domaines, nous avons été capables d’établir des schémas ou des plans permettant d’organiser et de rendre visible les politiques du Département. Une mission d’information et d’évaluation de la protection de l’enfance a permis de définir une feuille de route et de formaliser les ambitions du département. C’est aussi le cas du domaine de la santé, qui pourtant n’est pas une compétence obligatoire, et qui a néanmoins fait l’objet d’un plan départemental.
Comme nous l’avons déjà demandé, le parcours de prévention tout au long de la vie doit pouvoir faire l’objet d’un plan départemental engageant notre collectivité sur la durée du mandat et clarifiant les engagements dans les territoires, pour le bien des Loirétains et Loirétaines.
II / A02 - Dotations générales de fonctionnement aux collèges : pour un soutien aux plus fragiles
Cette délibération présente des modifications dans le calcul de la dotation générale de fonctionnement (DGF) des collèges. Les règles ont été modifiées pour un meilleur équilibre des budgets, à l’issue d’un travail important de concertation avec les chefs d’établissements.
Nous ne disposons pas de données sur l’ensemble des collèges du Département, permettant d’apprécier la pertinence de ces nouvelles règles.
Par contre, ses effets sur le budget du collège E. Dolet, Orléans, nous interpellent. La DGF d’Etienne Dolet augmente de 0,5%, alors qu’en moyenne la DGF augmente de 5,77%. Cette stagnation ne peut en aucun cas se justifier par la démographie, puisque les effectifs augmentent régulièrement.
Pourquoi un des collèges les plus en difficulté financière est pénalisé par la nouvelle grille ? Comment le collège va faire face à à l’augmentation des charges simplement liées à l’inflation ?
Malgré la concertation avec les principaux de collège, malgré le soin apporté pour établir une nouvelle grille, celle-ci semble avoir des effets plutôt négatifs sur certains collèges.
Nous demandons un état des lieux de la situation de ceux des collèges du département qui ont le plus de difficultés financières, ainsi que la possibilité de mesures correctives, dans l’attribution de la DGF, pour soutenir les plus fragiles des établissements.
III / A 03 - Tarification des repas dans les collèges : pour une tarification sociale
Le Département présente les nouveaux tarifs de la restauration scolaire dans les cantines des collèges. Un travail de concertation a été engagé entre les services du Département, les principaux et gestionnaires des collèges afin d’étudier la possibilité de mettre en place une tarification sociale dans les collèges, c’est-à-dire une échelle de tarif prenant en compte les ressources des parents.
Le Département, dans cette délibération, renonce à mettre en place une telle tarification sociale, sur l’argument d’une trop grande complexité, et d’une charge de travail supplémentaire que celle-ci impliquerait pour les personnels des établissements scolaires. À la place, la proposition face à l’inflation et en faveur des familles consiste à geler les tarifs des repas à 3,45 euros entre 2023 et 2024.
Nous regrettons cette décision d’abandonner la tarification sociale. Une expérimentation aurait très bien pu être envisagée sur un ou deux collèges, pour identifier les difficultés et lever les verrous, à l’image de l’expérimentation parallèle mise en place par la Région dans les lycées. L’idée d’expérimenter est d’ailleurs largement promue par le Département en matière sociale, comme par exemple pour le dispositif France Travail à destination des bénéficiaires du RSA, mise en place dans le Montargois, ou encore l’approvisionnement bio des cantines dans deux collèges.
IV / D01 - Suivi de la stratégie bas-carbone : quel effet de la politique de grands travaux du Conseil départemental ?
La stratégie bas-carbone du Département est évaluée dans cette délibération. Un bilan des principales émissions de gaz à effet de serre a été réalisé pour l’année 2019, et un ensemble d’actions, définissant la stratégie bas-carbone du Département, a été approuvée en session plénière en janvier 2022.
La délibération présentée aujourd’hui constitue le premier point d’étape de cette stratégie bas-carbone. Nous sommes satisfaits sur le principe qu’un suivi régulier soit organisé, comme nous l’avions demandé lors du vote de cette stratégie, avec un recueil systématique d’indicateurs annuels et une transmission aux élus.
Sur le fond de ce suivi, on constate que l’évaluation de l’action de la collectivité pour diminuer son bilan carbone est difficile à mettre en œuvre et qu’il est encore prématuré de tirer des conclusions. Beaucoup d’incertitudes dans le bilan initial de 2019 (notamment concernant les consommations d’énergie), ou de changement des méthodes de calcul des émissions de gaz à effet de serre, rendent l’exercice difficile.
À partir de ce point d’étape 2023, le suivi systématique d’indicateurs permettra de déterminer plus précisément l’efficacité des mesures de la collectivité. Ces difficultés méthodologiques montrent aussi qu’il est nécessaire que les élus disposent de l’ensemble des informations pour décrypter le bilan carbone : dépenses poste par poste, méthodes de calcul etc…
Enfin, un point de questionnement majeur : ce bilan carbone est fait à périmètre d’actions constant. Or il y a une politique dont le volume varie fortement dans le temps, ce sont les travaux d’infrastructures, les bâtiments et les routes. Entre 2017 et 2022, les dépenses associées passent d’environ 40Meuros à plus de 100Meuros/an (d’après les données du compte administratif). Quel est l’effet sur le bilan carbone ?
Pour avoir un bilan complet, il faudrait pouvoir disposer de chiffres sur les effets de cette politique. C’est absolument nécessaire pour que le bilan soit sincère.
V / D02 - Politique de l’eau et réutilisation des eaux de sortie de station d’épuration (REUT): des incertitudes à lever et qui va payer ?
Nous reconnaissons l’intérêt de cette démarche et la qualité du travail fait par le CEREMA. Le travail aboutit à une carte qui définit des opportunités de réutilisation des eaux issues des stations d’épuration.
La question est maintenant de savoir où se trouvent les réels besoins de réutilisation, où la substitution est vraiment pertinente économiquement et écologiquement.
On voit immédiatement l’intérêt de substituer de l’eau de sortie de station d’épuration à l’eau potable pour le nettoyage des voiries ou pour l’hydrocurage. On comprend aussi l’intérêt de substituer au pompage dans le Loiret, en déficit d’eau l’été, l’eau issue de la station d’épuration de la Source à Orléans, pour arroser le Parc Floral.
Il est beaucoup moins clair de savoir s’il est judicieux de remplacer l’eau directement issue de forages par de l’eau de sortie de station d’épuration, au vu du coût des installations pour traiter et transporter cette dernière. La question se pose aussi de l’utilité de la REUT lorsque les pompages se font dans les nappes et que les stations d’épuration alimentent ces mêmes nappes. Est-il alors pertinent d’engager de lourds investissement pour la REUT, alors que le milieu naturel peut assurer tout ou partie des transferts d’eau ?
Cette question des réservoirs en sous-sol est d’ailleurs absente de l’étude réalisée par le CEREMA, mais constitue cependant un élément de décision essentiel. Une coopération avec le BRGM d’emblée aurait permis une analyse plus pertinente. Nous demandons à ce qu’une étude complémentaire sur les réservoirs et transferts souterrains, vienne compléter l’étude présentée aujourd’hui.
Pour finir, derrière la sobriété se pose directement la question du partage du coût de cette REUT. Qui va la prendre en charge ? Est ce aux particuliers, qui sont déjà les principaux financeurs du système d’eau potable et d’assainissement ? Est ce qu’on doit faire porter la charge sur tout le monde, ou sur ceux qui sont les principaux bénéficiaires de la REUT, c'est-à-dire les industriels et les agriculteurs ?
Si l’on répartit la charge financière de manière très large, sur de nombreux usagers, on diminue d’autant l’incitation financière à utiliser moins d’eau. Le coût de l’eau est probablement le principal levier pour faire changer les usages de l’eau et inciter à plus de sobriété, donc il faut aussi définir comment on finance la REUT.
VI / E02 - Volet 3 des aides aux investissements pour les communes : Les représentants du département sont écartés par le maire d’Orléans !
Le volet 3 de la politique de Mobilisation du Département en faveur des territoires, intitulé « Investissements d’intérêt communal », a pour objectif de soutenir les opérations d’investissement d’intérêt local portées par les communes et leurs groupements.
Chaque année le Département lance un appel à projets. Puis, une conférence cantonale, animée par les conseillers départementaux référents de chaque canton et avec l’appui des développeurs territoriaux, est ensuite organisée.
Cette conférence constitue un temps fort d’échanges entre le Département et les communes et groupements de communes du canton. Elle permet de dégager un consensus sur les dossiers déposés dans ce ressort territorial et sur une pré-affectation de l’enveloppe plafond allouée au canton.
Pour ce qui concerne Orléans, il s’agit d’une seule commune mais qui comprend 4 cantons, et une conférence territoriale avec les 8 représentants du Département concernés doit répondre au règlement et aux procédures du Département.
La commune d’Orléans va percevoir 391 755 €, et pourtant, cette année encore, aucune conférence cantonale ne sera organisée avec les cantons 2, 3, 4.
Nous sommes écartés de la réflexion et du débat, tout au moins de la simple information des dossiers déposés par la ville d’Orléans. Nous avions sollicité le maire d’Orléans dès 2021 pour une rencontre, qui nous a fait adresser une fin de non-recevoir. S’en est suivi un courrier de vous-même, Monsieur le président du Conseil départemental, nous informant que le volet 3 pour Orléans était directement discuté avec le maire d’Orléans, sans participation des conseillers départementaux des cantons orléanais.
Cet état de fait est non seulement inéquitable au regard des autres territoires, mais aussi la seule volonté du Maire d’Orléans, à laquelle vous avez souscrit, Monsieur le président et je m’en étonne, car sans respect pour la représentation du Conseil départemental que nous incarnons. Trouvez-vous cela correct, monsieur le Président que nous ne soyons pas même informés des dossiers présentés et financés dans le cadre du volet 3 ? Cela peut-il continuer ainsi toute la durée du mandat ?
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