Le 1er Juillet 2018, le gouvernement a décidé d’abaisser la vitesse maximale autorisée de 90 à 80km/h sur les routes de campagne sans séparateur central, incluant la plupart des routes départementales, dans le but de diminuer le nombre de décès et d’accidents corporels. Le CEREMA, un établissement public rattaché au ministère de la Transition Écologique, a tiré le bilan de cette mesure sur une période de 18 mois (Juillet 2018 à Décembre 2019). Les conséquences de cette mesure ont été analysées sous plusieurs aspects : réduction effective de la vitesse, mortalité, temps de parcours, acceptabilité.
La réduction de la vitesse maximale autorisée a conduit à une diminution moyenne de 3,3km/h sur le réseau considéré. La baisse de la mortalité a été significative : -12%, correspondant à une diminution du nombre de tués de 331 personnes sur les 18 mois qui suivent la mise en place de la mesure (alors que la mortalité est restée constante sur la même période sur le reste du réseau). L’effet sur les temps de trajets est quant à lui relativement faible: la mesure n’a pas entraîné de congestion supplémentaire et les temps de trajets sont augmentés en moyenne d’1s par kilomètre. L’étude montre cependant une distorsion de la perception des automobilistes, qui ressentent un allongement des temps de trajet largement supérieur à la réalité. L’acceptabilité de la mesure s’est malgré tout améliorée significativement sur les 18 mois, avec notamment une nette diminution (de 40 à 23%) des personnes tout à fait opposées.
Le mouvement des Gilets jaunes, débuté en Novembre 2018, fait apparaître une opposition importante d’une partie de la population à la réduction des vitesses. Cette opposition conduit le législateur, par la loi d’Orientation des Mobilités de Décembre 2019, à permettre aux présidents de conseils départementaux de relever la vitesse maximale autorisée à sa valeur initiale de 90km/h sur tout ou partie du réseau concerné.
Le Conseil départemental du Loiret a décidé, fin 2020, de rehausser, à titre expérimental, à 90km/h, la vitesse maximale autorisée sur 10% du réseau de routes départementales du Loiret, soit 364 km. En 2021, sur l’ensemble de l’année, le nombre de tués sur les routes gérées par la conseil départemental a été de 20 personnes, soit moins que pour 2020 (21 tués) ou que la moyenne annuelle des quatre dernières années (27,8 tués). Sur la base de ces chiffres, le conseil départemental conclut que le retour à 90km/h aurait pour effet de faire baisser la mortalité et l’accidentalité et annonce en conséquence son intention d’étendre le rehaussement des vitesses maximales autorisées à une plus grande fraction de son réseau.
Les enseignements que tire le Conseil départemental de son expérimentation sur le rôle de la vitesse sont totalement contradictoires avec l’étude du CEREMA. Cette dernière montre un effet indiscutable de la diminution de la vitesse de 90 à 80km/h sur la mortalité, effet corroboré par l’ensemble de la littérature scientifique sur le sujet. Le désaccord entre les conclusions du conseil départemental du Loiret et celles du CEREMA est très probablement à imputer au périmètre trop faible de l’étude conduite par le CD45 (364 km, pendant 1 an), par rapport à celui de l’étude du CEREMA (plus de 400 000km de réseau routier, sur 18 mois).
La lutte contre la mortalité routière doit reste une priorité nationale, qui nécessite la plus grande rigueur et objectivité dans l’analyse des faits et des données disponibles. Les conclusions de l’étude du CEREMA s’appliquent à l’ensemble du territoire national, et le Loiret ne fait pas figure d’exception. À l’opposé des intentions affichées du Conseil départemental, nous soutenons le maintien de la vitesse maximale autorisée à 80km/h sur l’ensemble du réseau départemental.
Sources :
La Tribune Hebdo (Jeudi 3 Mars 2022)
Rapport du CEREMA « Abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80km/h, rapport final d’évaluation 1er Juillet 2020 »
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